Dans un contexte de croissance forte des services IT « as a Service » (+17 % en 2020 selon Gartner) et de transition écologique, les services numériques en général, et le cloud en particulier, ne peuvent désormais plus faire l’impasse sur leurs impacts environnementaux. Comment mesurer (et réduire en continu) les coûts environnementaux et énergétiques du cloud ?
Le Cloud : solution ou problème aux objectifs de la transition écologique ?
Tout d’abord, un rappel : le cloud et ses différents niveaux de service (IaaS, PaaS, SaaS) permettent d’accéder à des ressources à la demande et présente, notamment, l’intérêt d’offrir un niveau important d’élasticité. Avec une multiplication des usages et un nombre d’utilisateurs en hausse permanente, le cloud – et les infrastructures et composantes associées (data center, réseaux, terminaux) – est aujourd’hui mis au défi de ses impacts environnementaux : ressources naturelles utilisées, énergie primaire, eau, CO2 émis, etc. Des impacts environnementaux qu’il s’agit de mesurer sur l’ensemble de sa chaîne de valeur, depuis la construction des infrastructures bâtimentaires qui hébergent les services IT as a Service qu’aux usages qui en sont fait, en passant par leur utilisation et la gestion de leur fin de vie.
Car si le cloud peut avoir des effets positifs (mutualisation des ressources, activation à l’usage, télétravail facilité…), l’augmentation des besoins en bande passante, la duplication des données ou encore la hausse du taux d’équipements pour utiliser les services, sont aujourd’hui questionnées dans le cadre d’une démarche numérique responsable.
Une démarche qu’il s’agit d’objectiver, sur la base d’unités fonctionnelles spécifiques, pour aider aux choix et au pilotage de ces services cloud : architectures, types de plateforme, fournisseurs, etc. Ce qui permet également de comparer des solutions techniques et de valoriser ses choix stratégiques, en interne comme en externe.
La nécessaire mesure sur l’ensemble du cycle de vie
Afin de proposer des mesures justes et pertinentes, l’analyse du cycle de vie (ACV), issue des méthodes industrielles, offre aux organisations une vision à la fois normalisée[1] et réaliste des impacts environnementaux de leurs services cloud, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la valorisation en fin de vie, en passant par la consommation d’énergie et d’eau, la production de déchets, la fabrication, la distribution et l’utilisation des services.
Elle consiste à mesurer, pour une unité fonctionnelle (par exemple, une minute de visio-conférence), les impacts des différentes strates et sous-composants nécessaires au fonctionnement du service cloud : data center (bâtiment et infrastructures techniques), infrastructures IT (serveurs, équipements réseaux, stockage…), logiciel (et notamment code applicatif), terminaux utilisateurs et flux de données transmises sur les réseaux de communication. La volumétrie des services cloud utilisés ou encore les taux de charge et d’utilisation par rapport à la capacité globale permettent de pondérer les résultats.
Pour être le plus réaliste possible, il s’agit d’élaborer des scénarios crédibles d’utilisation pour évaluer les impacts environnementaux du cloud. C’est ainsi que pour un éditeur d’une solution SaaS de webconférence, neuf scénarios ont été élaborés, en croisant le lieu de connexion (EMEA, Asie, États-Unis), les terminaux utilisés et les réseaux de communication utilisés (smartphone en 4G, ordinateur personnel en ADSL, salle de conférence multi-utilisateurs en ADSL).
À partir de ces données, les organisations peuvent élaborer des reporting concrets sur les impacts environnements du cloud, sur l’ensemble de la chaîne de valeur et à partir d’indicateurs liés à tous les types d’impacts environnementaux potentiels : extraction ou réemploi de ressources naturelles, énergie primaire utilisée, eau, ou encore quantité de dioxyde de carbone émis aux différentes étapes d’utilisation des services cloud.
Le pilotage environnemental du cloud, véritable objectif de la mesure
La mesure pour la mesure ou l’analyse a posteriori n’ont pas réellement de sens. L’objectif est de pouvoir comprendre les impacts environnementaux selon les usages du cloud, afin de pouvoir prendre les bonnes décisions pour les limiter. À ce titre d’ailleurs, les mesures et calculs associés doivent être automatisés au maximum, dans un but d’efficacité et bien sûr de limitation des ressources à y consacrer.
En termes d’équipements, les choix pourront ainsi être orientés par leurs caractéristiques intrinsèques mais également par les possibilités d’optimisation de leur durée de vie, de leur niveau de réparabilité ou encore de recyclage. De la même façon, il sera possible d’orienter ses choix énergétiques (consommer moins, mieux et plus d’énergies renouvelables) et architecturaux. Enfin, les aspects communication ne sont pas à négliger car c’est aussi par la mobilisation et l’implication des utilisateurs, en rendant concret ce qui est invisible et virtuel, qu’il est possible de réduire l’impact environnemental du cloud sur l’ensemble de sa chaîne de valeur.
Un référentiel pour améliorer en continu la performance environnementale
Reste un enjeu majeur du pilotage environnemental du cloud : l’accès à des données dans le cadre d’un référentiel, afin de connaître l’état de l’art, se comparer et bien sûr s’améliorer. C’est tout l’objet du projet NégaOctet porté par plusieurs acteurs du secteur et soutenu notamment par l’Ademe, qui consiste en la construction d’une méthode standard d’évaluation des impacts environnementaux des services numériques. Avec un objectif principal : donner aux utilisateurs les moyens de comparer objectivement les impacts environnementaux des services numériques, comme c’est déjà le cas par exemple pour les appareils électroménagers. Encore en phase pilote, NégaOctet a l’ambition de devenir un standard très rapidement.
Par Caroline Vateau, directrice du département Numérique Responsable, APL.
[1] Norme ISO/TR 14062 : 2002 – Intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produit ;
Norme NF EN ISO 14040 : 2006 – Analyse de cycle de vie : principe et cadre
Norme NF EN ISO 14044 : 2006 Analyse de cycle de vie : exigences et lignes directrices
Norme NF EN ISO 14063 : 2010 Communication environnementale – Lignes directrices